samedi 15 avril 2017

RDVAncestral - Les Marianne de Jacques Arnoux

C’est un jour particulier dans la Drôme, après avoir traversé Valence, j’ai cheminé vers le gros village de Montmeyran. En cette année 1822, sous le règne du vieux roi Louis XVIII, la commune compte environ 1500 âmes.  Comme de coutume, je fais un petit détour par le chemin de la Motte, pour contempler au loin le Massif du Vercors.

Je poursuis, et aperçoit les silhouettes de deux gamines. Elles paraissent courir à mon encontre, s’arrêtent, rebroussent chemin, virevoltent. Elles changent d’avis puisqu’elles ont mission de me conduire chez leurs parents, et me font signe. Bref me voilà à leur niveau : Marianne la blonde 11 ans et Marianne la brune 9 ans, filles de Jacques ARNOUX et Marianne SAVOYE.

William Bougereau - Les noisettes - Detroit Institute of Arts

Toutes trois on descend  le chemin, on se tient par la main, sourires de part et d’autre… Un nouveau geste, histoire de laisser entendre qu’il faut tourner à gauche, une fois arrivées au Hameau des Dorelons. Je le sais mes toutes mignonnes !

Là encore, comment vais-je aborder les arrières-grands-parents de ma grand-mère Isabelle ARNOUX. Ils ne savent ni lire ni écrire, parlent problablement patois, et mélangent allègrement les dates de naissances de leurs trois filles Marianne (la première a fait un bref passage dans ce monde).

De nouveau à gauche et on est arrivé. Dans la cour de la maison se trouve Jacques ARNOUX cultivateur de 46 ans environ, pas très grand, moustaches évidemment, il s’avance, soulève et ôte son chapeau.

J’ai droit à une tape dans le dos et à une bise.
 
« Ben te voilà, t’as mis du temps pour venir ».

« Tiens voilà la patronne »  Marianne SAVOYE sensiblement du même âge, a un timide sourire, elle se tient sur le pas de la porte ; on se fait la bise.

« Là : y a les fils Jacques et Pierre. Ils m’aident bien » Petits signes de la tête.

L’aîné Jacques, du haut de ses 15 ans, affiche un air qui se veut  un peu indifférent, le cadet Pierre, 14 ans, a des yeux rieurs et un visage rond ; il est mon ancêtre.

« Les petiotes tu les connais déjà ». On s’installe dehors sur des bancs.

« Dis c’est quoi déjà ton nom »  « Euh Fanny Grand-père ».

 « Fanny ? jamais entendu ! et dis-moi le Père ».
« Paraît que toi tu lis les livres et que t’habites la ville». 

« Paraît que tu es intéressée par les vieux papiers ? T’as peiné pour trouver notre acte de mariage à la Mère et à moi, pourtant c’était pas bien loin ».

« Dis au fait c’était quand ce mariage ? Raconte nous, mais on était citoyen à cette époque, je me souviens ! hum ! »


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Respectueusement je me livre à cet adorable exercice de récitation de l’acte civil de mariage. J’ai trop eu du mal à dénouer l’écheveau. Nés tous deux sur la commune de Montmeyran dans la Drôme, l’union a été célebrée à 5 kilomètres de là sur la commune d’Allex.

Et oui, Jacques ARNOUX tu es le fils de feu Jacques ARNOUX et de vivante Marguerite ROMIEUX originaires de Montmeyran.

Et toi, Marianne SAVOYE tu es la fille de feu Etienne SAVOYE et de Jeanne RICHARD tous originaires de Montmeyran, mais domiciliée à Allex où tu demeures depuis plusieurs années.

Vous avez donc contracté mariage le  duocadi de floréal de l’An VII de la République (le 29 avril 1799) dans la salle destinée aux réunions décadaires par devant François Sixte RICHARD président de l’administration municipale. Vous avez pris comme témoins les citoyens Joseph DUCHENE tailleur d’habits, et  Jean Pierre POUDEROUX instituteur habitants du lieu.

Voilà je replie la photocopie du registre et son texte dactylographié.

« Oui c’est bien çà. »

« Bah s’en est passé des choses, la Révolution, un Buonaparte, puis un Napoléon, puis un Empereur, puis un Roi. Bof, la terre elle est est toujours la même, il faut travailler dur  pour avoir une récolte. Y a les bêtes aussi. » Effectivement, les chèvres béguètent.

« Ben justement il faut s’en occuper, c’est l’heure. La prochaine fois tu viendras un dimanche : on a plus de temps, tu connaîs le chemin maintenant ».

« Pourquoi Guillaume, il t’a pas envoyé un dimanche ?  faut lui dire, et aussi que mon grenier n’est pas bien grand. Y a des choses bizarres maintenant… Mais c’est sûr on a été content de te voir. »

« Ben le bonsoir, et attention sur la grand’ route ! »

Rencontre rapide : Jacques ARNOUX est-il toujours aussi bavard ? C’était peut-être pour cacher son émotion. Il m’a déroutée. A ma prochaine visite, je voudrais papoter tranquillement avec Marianne SAVOYE au sujet de sa petite famille pour vous les présenter, disons de façon moins décousue.

En tout cas j’ai fait la connaissance des ancêtres de ma grand-mère maternelle Isabelle, que dirait-elle de mes délires ?


Pour le non-initié : si les dialogues et descriptions des personnes sont pure fiction, celles-ci ont bien vécues dans les lieux cités aux dates évoquées. Cette façon de voir sa généalogie est proposée par Guillaume du Blog Grenier des Ancêtres lors d’un rendez-vous mensuel avec ses ancêtres.
 
  

1 commentaire:

  1. J'adore ce RDVAncestral, tellement vivant. Et quel style agréable à lire ! J'ai même appris que "les chèvres béguètent".

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