samedi 16 mars 2024

Les pépites d'un partage

Là dans l’hiver, ils ont décidé de régler cette histoire de partage, allées et venues entre maisons, hommes qui se déplacent et lorgnent le bâti, gestes des bras et hochements de tête approuvant ou déniant, tant des intéressés que des intermédiaires.

Bref le rendez-vous ancestral se déroule à Montvernier en Savoie le 27 février 1708, en présence du précieux notaire local Louis Dupré, l’acte de partage est à la fois une chronique généalogique et une tranche de vie,



Dès le préambule mes yeux papillonnent « étant ainsi que par les partages verbaux entre feu Révérend Messire Rémy Vernier, Jean Vernier et François Vernier et feu Philippe Vernier tous frères et enfants de feu Hugues Vernier, et encore François feu Jean Cosme Vernier fils audit feu Hugues Vernier… »

Apportée su plateau, voilà une fratrie de cinq frères, tous fils de feu Hugues Vernier, dûment estampillée par le notaire.

Notre ancêtre Jean Vernier est bien entouré, dans ce partage il intervient pour le compte de son fils Rémy déjà marié, face à son neveu François Vernier feu Jean Cosme, tous deux sont cohéritiers de leur frère ou oncle Révérend Messire Rémy Vernier.

Le notaire souligne « qu’il reste encore à partager les bâtiments de feu Rémy Humille avec le jardin devant lesdits bâtiments. » Tiens voilà encore un Rémy, à situer dans l’arbre généalogique.



- Oui confirme Jean Vernier, il me revient le quart pour mon fils, et les trois-quarts concernent mon neveu François.

Mine interrogative de Maître Dupré, donc avec l’entremise d’amis communs vous avez négocié ce partage, précisez moi bien ce que vous avez convenu. Je vous écoute afin de formaliser l’acte.

- Oh pour moi, énonce Jean notre ancêtre, me revient le grenier de pierre et son serre-tout qui jouxte ma grange. Puis au-dessus du plancher de ce grenier de pierre, le grenier de bois revient à mon neveu, car il fait partie de sa grange.

- Oui, oui opine ledit François neveu.

- Ensuite, ajoute notre aïeul Jean, pour le jardin me reviennent trente toises selon les bornes mises du côté de mon pré, le reste de jardin est pour François. La haie au-dessus du jardin m’appartient.

- Là François souligne que son oncle ne peut pas planter de noyer et qu’ils ont décidé de limiter la hauteur des haies à quatre pieds.

De plus j’ai droit à la moitié des fruits d’un poirier qui est à la tête du jardin sur la part de Jean mon oncle, qui ne doit pas couper les branches tant qu’il y a des fruits.

Sourcil relevé du notaire, sa patience diminue-t-elle ?

- Faut inscrire, ajoute Jean notre ancêtre, « moi et les miens conservons toujours le passage libre par devant les bâtiments pour s’en servir comme bon lui semble, et comme par le passé les ruelles demeurent communes. »

Régler les droits de passage j’adhère, mais je m’étonne face à l’exigence de Jean de laisser pendant sa vie une cuve qu’il a dans le serre-tout de son neveu.

- Ledit François n’est pas en reste, car il tient à pouvoir bâtir sur le grenier de pierre de son oncle « sans poser des emportes sur les angles des murailles dudit grenier pour faire voûte, si bon lui semble, sans qu’il puisse néanmoins endommager le couvert de la grange dudit Jean. »

Sacrebleu qui est le plus tatillon, et le plus exigeant ?

Bon ce n’est pas tout, les biens partagés s’avèrent de valeurs inégales, au détriment de notre ancêtre, François pour sa soulte donne à son oncle sa part d’un pré situé à La Bachillière qui vient de l'aïeul Hugues.

Ouf, les modalités du partage sont bouclées, la plume du notaire court encore un bon moment pour noter cette chronique familiale et patrimoniale.

François Vernier le neveu, chez qui l’acte est passé, sait signer contrairement à Jean Vernier notre ancêtre. Cette scène villageoise, outre le patient notaire, s’est déroulée en présence des témoins et amis communs Michel Humille Gonnet et Joseph feu Antoine Dussuel.

Pas si anodin ce partage qui fourmille de pépites, donne un indice avec Révérend Messire le frère et oncle : un prêtre vu la qualité déclinée, celui dont les livres à connotation religieuse figurent dans le surprenant inventaire de son neveu Rémy. 

 


Retrouver cette famille

Qui êtes-vous Jean Vernier

Le temps des épreuves

Un surprenant inventaire



N.B. le serre-tout est une pièce de débarras


Sources

AD73 Tabellion Saint Jean de Maurienne 

1708 2C 2460 vue 126

Relevé GénéMaurienne

Généanet arbre pseudo lepontin

et arbre pseudo montvernier 

 



vendredi 8 mars 2024

Un surprenant inventaire

En quarante-huit heures Dominique Humille notre aïeule s’est retrouvée veuve de Rémy Vernier feu Jean, et désignée tutrice de trois garçons, il lui reste encore à subir l’épreuve d’un loyal inventaire.

Pour tout généalogiste, l’inventaire après décès est un acte notarié particulier, un temps suspendu où on pénètre en catimini dans la maison de ses ancêtres, découvre la configuration des lieux, les meubles et objets du quotidien, les immeubles, voire les dettes ou les créances.

Là-haut à Montvernier en Savoie, le 11 juin 1725, débarque Maître Dupré à sept heures du matin en la maison des hoirs de Rémy Vernier, dûment muni d’encre, de plusieurs plumes d’oie et de feuilles de papier. L’inventaire détaillé se poursuit le lendemain et comporte quatorze pages et demie du minutaire notarial, feuillets dépassant le format A4 contemporain et flirtant avec le format A3. 


Le notaire royal collégié rappelle en préambule que l’inventaire après décès est effectué au bénéfice des enfants mâles mineurs et pupilles Michel âgé de quatorze ans, Joseph âgé de douze ans, et Dominique âgé de huit ans (mon ancêtre).

La mère désormais tutrice déclare ne rien cacher et dire tout ce qui est vrai.

Maître Louis Dupré cite trois témoins tous honorables :
- Jean feu François Tronel
- Joseph feu Jean Louis Deschamps (bonjour lointain grand-père)
- Jacques feu Jean Louis Roux.

De même, il intervient avec l’assistance des plus proches agnats et affins tous honorables ;
- Joseph feu Michel Humille oncle maternel
- Pierre fils de feu Philippe Vernier cousin germain
-Jacques et Pierre frères enfants de feu Michel Durieu cousins germains dudit feu Rémy.

Excellente idée de préciser les parentés et précieux indices qui vont permettre d’avancer dans mon arbre.

La visite commence dans la cuisine avec pour mobilier
- un buffet à deux portes de bois blanc tout à fait usé,
- une tablette de noyer avec ses montants de bois blanc et un tiroir, le tout de peu de valeur,
- deux bancs de bois blanc de peu de valeur
- une arche de fayard contenant environ 30 quartes (un coffre)
- une forme de lit de bois blanc,
- deux petits chenets de fer et un petit soufflet,
- une crémaillère à trois jambes et sept boucles.

Côté déco : un petit bénitier en étain commun et un chandelier en laiton, ainsi que deux lampes.

Pour préparer les repas et s’alimenter :
- une poêle à feu et deux poêles à frire,
- un grand mortier de pierre,
- deux poches dont une percée de fer (louche)
- un seau de bois à tenir l'eau et son bassin assez bon,
- un bronzin de cuivre, et un bronzin de métal,
- deux chaudrons, et deux marmites ont une avec son couvercle,
- deux pots à feu de métal,
- neuf plats d'étain commun et huit assiettes,
- trois salières d'étain, deux pots d'étain, huit colliers d'étain,
- huit tranchants, huit écuelles de bois et un couteau,
- un faissellier et une faisselle, deux pots de terre à tenir le beurre.

Mais encore des objets divers :
- un récipient de bois blanc contenant environ 24 quartes,
- deux petits achons et un gros,
- une caisse assez bonne de cuir,
- deux paires de cordes et un filet,
- une faux, deux faucilles, et une pelle assez bonne,
- un petit joug avec ses courroies et un joug collé ferré,
- un van et un crible. et aussi un marteau. 

 © Photos Musée Savoisien

Sur les talons du méticuleux notaire, l’inventaire se poursuit dans la pièce dite le poêle en Maurienne avec pour mobilier :
- une grande table de noyer avec son montant de bois blanc,
- un banc de bois blanc,
- une chaise rapetassée et tout à fait usée et quatre sièges de noyer,
- une forme de lit de bois blanc,
- une garde-robe de noyer à quatre portes et deux tiroirs, lesdites portes fermant à clef,
- trois coffres en bois blanc fermant à clé de différentes contenances dont un appartient à la veuve Dominique Humille.

Côté objets, j’ai sourcillé sur :
- un tableau sans cadre à l'effigie de Saint Rémy,
- un poids à peser l'or et l'argent, et un compas,
- une marque de famille : objet pour apposer une initiale ou un sigle sur les bêtes qui partent à l’alpage,
- un « baptisé » qui est en indivis entre tous les consorts Vernier, linge qui entoure le nouveau-né conduit à l’église pour son baptême.

Morceaux choisis du linge des coffres :
- deux nappes de toile ciré usées,
- deux nappes à grain d'orge mi-usées,
- deux pendants de lit mi-usés, et une vieille couverte de Catalogne,
- dix chemises du défunt mi-usées,
- douze draps de lits assez bon, dont sept appartenant à la veuve,
- quatre draps de couture neuf ou assez bon,
- sept serviettes et trois nappes assez bon.

Des espèces à savoir : trente-huit livres en argent de différentes monnaies provenant de la vente de froment et c'est pour servir au paiement des différentes tailles et usages de la maison.

***

Ensuite le notaire grimpe à l’étage et entre dans une chambre au-dessus du poêle, il repère deux coffres fermant à clé en bois blanc et en noyer. De même il répertorie des mesures de plusieurs contenances réservées soit au froment et au seigle, soit à la laine.

Puis dans les caves, Maître Dupré note un mauvais bachat à tenir du fromage (seau), un entonnoir pour baril, énumère des tonneaux et des barils de différentes contenances, avec deux ou un grand cercle, de peu de valeur. Il fatigue et je me déconcentre un tantinet.

Enfin à l’étable se trouvent :
une mule âgée d'environ deux ans, un bœuf, un petit bœuf, une vache d'environ huit veaux, une génisse d'une année, une chèvre et deux brebis.

***

Fin du premier acte pour la docte assemblée, et début de second acte avec l’inventaire des biens immeubles poursuivit courageusement par le notaire :

Donc à Montvernier, la famille de Rémy Vernier notre ancêtre habite au lieu-dit La Place dans un bâtiment consistant en la cuisine, le poêle et une chambre au-dessus, un galetas, avec deux caves, et au-dessous de la maison : un jardin et un peu de verger, une grange et une étable, tout cela au chef-lieu de la paroisse.

Tant au levant qu’au couchant, sont précisés les noms des propriétaires riverains.

Côté bâti plus haut, à Montbrunal au lieu-dit Mollaret, Rémy Vernier possède une grange et étable et sa part d'une maison, le tout tombant en ruine.

 

.***


Avec encore un peu de force, le notaire se lance dans l’énumération des terrains, et recense des parcelles de vignes mesurées en toises, avec chaque fois la précision des propriétaires riverains. A priori une bonne douzaine de parcelles dans les hoirs de feu Rémy Vernier notre ancêtre.

Ne soyez pas étonnés de la présence de vignes, bien qu’en altitude la paroisse est bien exposée.

Là se termine une dure journée.

Le lendemain dès six heures cette fois, en présence de la même équipe, Maître Dupré démarre, frais et dispos, la litanie des parcelles de terrain, trois quartellées par-ci, quatre quartellées par-là, confinée par etc etc etc  …. Il noircit plusieurs pages, comment fait-il pour se souvenir de tous ces terrains, aidé par les témoins et les membres de la famille certes.

A ce stade j’ai décroché, malgré tout l’intérêt que je porte à cette branche d’ancêtres, et faute d’avoir un stagiaire sous la main à faire trimer pour un beau tableau, vous échappez à l’ultime énumération.  

Rassurez-vous l’inventaire a été bouclé avec les formules adéquates et les signatures de ceux qui peuvent apposer leur griffe. Dominique Humille la veuve est soulagée de cette longue et pénible formalité, rejointe par ses trois fils, elle va assumer le quotidien. 


Cela vous dit deux bonus tirés des coffres : une friandise (enfin pour les généalogistes) et une énigme ?

D'un un coffre a été extrait un sac de titres contenant les actes notariés passés par Rémy Vernier ou son père Jean Vernier, pas moins de quarante-deux cottets, énumérés et cités dans le détail par notre professionnel notaire. Logiquement d’autres pans de vie devraient pouvoir être dévoilés.

Dans un autre coffre était planquée toute une bibliothèque, vingt-deux livres au total, je suis restée bouche bée à la lecture des titres édifiants. Juste un extrait et vous laisse méditer :
- le guide du pécheur,
- un antiphonaire,
- le catéchisme du Concile de Trente,
- le notaire parfait.

Dois-je me noyer un peu plus dans les registres du Tabellion pour éclaircir éventuellement certains mystères ? 
En attendant je m'esquive sur la pointe des pieds. 


A suivre 


Retrouver cette famille 

N.B
Un agnat est issu d'une même souche masculine
Un affin est un parent par alliance 
La toise est une mesure de longueur
La quartellée est une mesure de surface
Le grain d'orge est une étoffe croisée avec un dessin imitant le grain d'orge 
Le cottet est une numérotation utilisée en Savoie pour lister les actes notariés 

Source 
AD 73 Tabellion Saint-Jean de Maurienne 1725 
2C 2495 f 511 vue 558/586 et Relevé GénéMaurienne


vendredi 23 février 2024

Noces de coquelicot

Mine de rien, voici 8 ans, la Ronde des Ancêtres prenait son envol en sabots, galoches ou souliers s’apprêtant à déambuler sur les chemins de l’Aisne, de la Drôme et de la Savoie

Noces de coquelicot avec ma troupe malicieuse et cachottière.

Coquelicot, fleur chargée de symbolique ; amour ou souvenir, fleur de l’éphémère aussi, et par là appropriée à la généalogie.



Ma petite Ronde compte 147 billets à son actif sur 8 ans, et autant de fils de vie, avec 600 commentaires déposés par des lectrices et lecteurs sur le blog, sans compter ceux laissés sur des groupes de généalogie de Facebook. Je les en remercie.

Des billets n’ont pas décollé, certains présentent un score correct, et d’autres se sont envolés. Le mystère de la vie des billets côtoie le plaisir d’être contactée par des généa-cousins ou des personnes pour qui le récit résonne particulièrement.

Le métier de salpêtrier vous est inconnu : questionnez Louis Liénard de Barisis dans l’Aisne.
 
Le travail de la laine vous intéresse : questionnez  Abraham Barnier drapier à Chabeuil dans la Drôme. 

Le contrat dotal en Savoie et les subtilités d’un testament en Savoie vous interpellent : grimpez à Montvernier et voyez avec ma troupe Deschamps Jean-François ICI  et Joseph ICI

Savez-vous que lors de la réunion préliminaire avec mes ancêtres, j’ai eu droit à des murmures de contentement des élues ou élus, des grimaces de celles et ceux restés sur la touche, et des soupirs de soulagement pour les réticents à voir leur situation familiale ou leurs affaires d’argent dévoilées.

Lesdits ancêtres ont constaté mon éparpillement dans les recherches, noté le déblocage d’une branche dans l’Aisne, le repérage d’actes notariés pour les drômois, et mon addiction profonde aux registres des Tabellion en Savoie.

Après m’avoir suggéré de moins me disperser, et de m'organiser, tout en me faisant plaisir, lesdits ancêtres ont convenu de me garder comme secrétaire du blog.

Ouf j’ai passé l’examen des 8 ans et continue à dépoussiérer ces silhouettes de papier croisées dans des registres ou actes notariés.

Objectif : ralentir l’oubli.



samedi 10 février 2024

Le temps des épreuves

Trois gamins tassés dans un coin de la pièce jettent un regard inquiet sur le curé de Montvernier Révérend Alban André, et Maître Louis Dupré notaire du lieu, tous deux appelés auprès de leur père détenu de maladie dans son lit.

C’est l’après-midi du 30 janvier 1725 en plein hiver dans un village de montagne en Maurienne dans le duché de Savoie.

Le temps des noces remonte à près de 25 ans. Dominique Humille l’épouse se tord les mains, se penche angoissée sur Rémy Vernier frissonnant sur sa paillasse, le temps des épreuves commence.

Pixabay 

Notre ancêtre soucieux de sa famille et du devenir de son âme dicte ses dernières volontés au notaire ducal :

« De son gré, sain de ses sens et paroles, présent d’esprit et en bon jugement quoique détenu de maladie corporelle dicte son testament nuncupatif et à ses fins, en bon chrétien, après avoir fait le vénérable signe de la croix, recommande son âme à Dieu le créateur et qu’il soit intercédé auprès de sa divine majesté pour obtenir la rémission de ses péchés et le salut de son âme. »

Rémy Vernier prévoit cinq livres pour son luminaire ainsi que la célébration de six messes lors de son enterrement, et qu’il en soit de même pour la neuvaine et au bout de l’an

Selon la coutume du lieu, doit être offert l'aumône de pain accoutumée avec un pot de vin chaque dimanche, Et au bout de l’an, doit être faite une aumône générale aux pauvres du lieu qui se présenteront pour la recevoir, aumône comprenant douze quartes de seigle et douze d'orge, en pain cuit avec du potage.

De plus les vénérables confréries du Saint-Sacrement et du Rosaire doivent recevoir chacune la somme de trois livres payables par ses héritiers entre les mains des procureurs desdites confréries.

AD 73 Tabellion St-Jean 1725 extrait testament

Le testateur fait, la Dominique Humille sa femme, maîtresse et gouvernante et usufruitière, sans compte à rendre, de tous ses biens, en les utilisant pour nourrir, vêtir et entretenir ses enfants, moyennant leur travail et ce tant qu’elle mènera une vie chaste et honnête en son nom.

Il la nomme tutrice et curatrice, en faisant faire un bon et loyal inventaire

« Et parce que l'institution héréditaire universelle est le chef de tout testament, à cette cause ledit testateur a fait et crée institue, de sa propre bouche, nomme et veut être les héritiers universels spéciaux et généraux savoir Michel Joseph et Dominique ses chers fils et le posthume devant naître si c'est mâle, par parts égales.»

Tel est le dernier testament de notre ancêtre Rémy Vernier feu Jean, dont les sept témoins sont priés de garder en mémoire le contenu, et appelés à émarger le précieux acte notarié.

Homme usé, homme malade qui reçoit les derniers sacrements du prêtre, veillé par les siens, Rémy Vernier s’éteint a priori le 31 janvier 1725 âgé de 44 ans. Son ensevelissement est noté au 1er février dans le registre paroissial par le curé Alban André.

AD 73 Montvernier BMS extrait 1725

Affligée sans nul doute, quoique bénéficiant des solidarités familiales et villageoises pour tout le cérémonial des funérailles, Dominique Humille doit encore faire entériner son statut de tutrice et prendre la route ce même 1er février.

Entre Montvernier, village de montagne et la cité de Saint-Jean de Maurienne dans la vallée, avec un dénivelé d’environ 800 mètres et près de 9 kilomètres, il faut compter à pied plus de 2 heures de marche sous le froid avec un chemin enneigé.

J’ai vérifié les dates plusieurs fois, et me suis interrogée sur la réelle présence de Dominique Humille tout juste veuve, mais il semble que le notaire tenait à faire les formalités au plus vite, et le registre du Tabellion est formel.

Dans le duché de Savoie, les actes notariés sont enregistrés auprès du Tabellion le plus proche, et dans la cité de Saint-Jean se trouve une judicature-maje pour traiter des affaires civiles et criminelles et statuer en matière de tutelle.

AD 73 Tabellion St-Jean 1725 extrait tutelle

« Nous, Noble Pierre François Martin, Avocat au Sénat en la judicature-maje de Maurienne, à tous qu'il appartiendra, avoir faisons savoir que ce jour d'hui premier février mil sept cent vingt-cinq,

a comparu par devant nous en la cité de St Jean de Maurienne dans notre chambre d'étude la Dominique Humille veuve de Rémy Vernier de la paroisse de Montvernier,

laquelle nous a représenté que son mari par son testament du 30 janvier proche passé reçu et signé par Me Dupré notaire l'a nommée tutrice de Michel âgée de treize ans et demi, Joseph âgé de douze ans et Dominique âgé de huit ans leurs enfants pupilles,

laquelle charge a déclaré être prête à accepter, prêter serment, passer toutes les incombances en tel cas requis.»

« Suivant quoi nous … avons icelle Dominique Vernier (et non Humille !) établit, nommée pour tutrice des personnes et biens de Michel, Joseph et Dominique enfants pupilles de feu Rémy Vernier,

laquelle après lui avoir fait les remontrances (au sens de conseil) en tel cas requis, a promis et juré sur les Saintes Ecritures entre nos mains touchées, de bien et fidèlement verser en ladite charge de tutrice,

faire faire bon et loyal inventaire, s'en charger, en rendre bon compte, prêter le reliquat à qui appartiendra, et généralement exercer ladite charge à la forme du droit et des Royales Constitutions de Sa Majesté. »

« En tout quoi nous lui avons accordé acte et ordonné à notre greffier d’enregistrer notre décret. »

Trois journées douloureuses dans la vie d'une famille, trois journées éprouvantes pour Dominique Humille avec un retour de nuit dans sa paroisse, cette aïeule se doit d'être vaillante et courageuse. 

La lectrice attentive ou l'inconscient qui n'a pas pris la tangente avec les extraits de transcription, dispose d'un indice pour trouver le sujet d'un projet billet, à bientôt donc. 


Rémy Vernier et Dominique Humille sont mes ancêtres
 à la 11ème génération (sosas 1524 et 1525) 
et leur fils cadet Dominique est un lointain grand-père 





N.B. 
L'incombance est une charge, un devoir dont l’inobservation expose son auteur non à une condamnation, mais à la perte des avantages attachés à l’accomplissement du devoir, en cas de tutelle la perte de la qualité de tuteur ou tutrice 

Sources 
AD 73 Montvernier BMS 3E 362 vue 163
AD 73 Tabellion Saint-Jean de Maurienne 1725
2C 2495 vue 96 et 133



dimanche 28 janvier 2024

Qui êtes-vous Jean Vernier

Qui dit mois de janvier, pour les aficionados de généalogie, dit quête de l’ancêtre de l’année : le sosa 2024. Pas de lointain grand-père pour moi, il se cache dans un village protestant de la Drôme dont les registres ont disparu dans les tourments de l’histoire.

Mais une solution de repli existe avec le sosa 2024 de feu mon Papa en Savoie à la 11ème génération, ancêtre bien planqué dans un village de Maurienne et entouré de toute une pléiade de commensaux et collatéraux.



Le nominé est Jean Vernier natif et habitant Montvernier à 800 mètres d’altitude, paroisse de 500 âmes environ comprenant le village de l’église et les lieux-dits le Noirey et Montbrunal.

Le patronyme de cet aïeul, et son lieu de vie, selon les anciennes chartres, « Mons Varnerii ou Montis Guarnerii » renvoie soit aux vernes – les aulnes – soit à Garnier ou Varnier nom d’homme d’origine germanique.

Jean Vernier naît vers 1645 dans le duché de Savoie et grandit dans son village, puis convole en justes noces le 12 février 1664 avec Marguerite Durieu fille de Michel Durieu.

Le couple accueille le petit Jean Cosme le 5 septembre 1672, et plus tard Rémy le 1er janvier 1682 qui pousse bien. 

Hélas notre Marguerite Durieu s’éteint le 30 août 1683 à 40 ans environ, laissant notre Jean Vernier veuf avec sur les bras un gamin de 10 ans et un enfançon de 18 mois.

Courageux, il a retroussé ses manches pour semer du seigle, s’occuper de quelques bestiaux, de son verger, faire face sans se remarier a priori, avec l’aide de proches espérons-le. Et voilà que le sort frappe son fils aîné Jean Cosme enseveli le 20 janvier 1696 un froid jour d’hiver.

Bref résumé de mes débuts avec cet ancêtre, dont l’entourage familial reste flou, rencontre possible avec le précieux arbre mis en ligne sur Geneanet sous le pseudo montvernier d’un lointain cousin passionné et minutieux, arbre sourcé avec lien direct à l’appui sur les archives qui plus est.

??? 

Bon, dîtes-moi Jean Vernier, êtes-vous allé souvent chez le notaire pour vos affaires de famille ? Dénicher une peu de matière pour étoffer votre fil de vie et connaître votre fratrie et vos parents serait l’idéal.

Soucieux d’établir au plus tôt votre fils cadet Rémy et de lui dénicher un parti convenable, vous vous accordez finalement avec Michel Humille père de Dominique sur les conditions de la dot.

Voilà du grain à moudre avec le contrat de mariage du 8 mai 1701 établi par le notaire ducal de Montvernier pour les jeunes promis de 19 printemps

AD 73 Tabellion St-Jean 1701 extrait contrat dotal


Rémy Vernier et Dominique Humille sous l’autorité et licence de leurs pères promettent de se prendre en loyal mariage pour y recevoir la bénédiction nuptiale.

Selon la coutume du pays de constituer une dot aux époux par leur épouse afin de supporter plus facilement les charges du mariage, le père Michel Humille feu Ambroise constitue en dot et verchère à sa fille Dominique la somme de 900 florins de Savoie.

Pour arriver à honorer son engagement ledit Humille transfère à son futur gendre deux acquis de cense et de décharge de 200 et 80 florins à exiger auprès de dénommés Tronel. De même il donne 2 quartelées de terre dans le lieu de Perraz, et aussi 80 toises de terre à proximité d’une valeur de 320 florins

Le solde de 300 florins est délivré en espèce sonnante et trébuchante devant le notaire et notre Jean Vernier et son fils, à savoir 12 louis d'or valant 25 florins chacun. 

Si, si, le compte est bon, avec de belles pièces d’or du Royaume de France, monnaie utilisée aussi dans le Duché de Savoie, la quartelée et la toise correspondent à des mesures agraires de surface.

🎀🎀🎀

Dans un coffre en bois blanc fermant à clef neuf, la future épouse a rangé soigneusement son trousseau : deux cornachons l'un de velours, l'un de satin presque neuf, treize coiffes dont deux en soie et deux de couleur, ainsi que seize bonnets et vingt-cinq gorgères.

Dominique Humille possède six tabliers de laine, de cadis ou toile de pays, chemises et camisole bien sûr, des paires de manches, une robe de toile avec ses manches et corps en estamet neuf et une paire de souliers mi-usés. Elle a plié dans son coffre une nappe, deux draps de pays, sept linceuls de toile, une couverte de lin assez bonne.

Va la suivre dans sa nouvelle famille une vache à choisir sur quatre jeunes, nul doute que notre Jean Vernier va être tatillon.

S’en suit que ledit Jean Vernier père promet à son fils Rémy une quote-part des bâtiments situés à Montbrunal au Mollaret pour sa demeurance (sic). Il relâche à son fils les droits de Marguerite Durieu sa mère décédée.

Et en même temps, père et fils, donnent à Dominique pour cause de noces un blanchet de drap de Romans bon, une coiffe, un tablier de serge, une gorgère, un cornachon, une robe de drap de pays ainsi que son corps d'estamet.

Notre notaire conclut que les parties sont demeurées d’accord, acte rédigé dans la maison dudit Michel Humille en présence de quatre témoins François Vernier, Michel Durieu, Pierre Roux et Jacques Costerg sans précision de leur parenté.

Vêtue de ses beaux atours offerts, Dominique Humille s’unit le 9 mai 1701 à Rémy Vernier dans l'église de Montvernier. Le couple accueille la petite Honorine seulement le 5 novembre 1708, suivie de quatre garçons dont Dominique

Notre Jean Vernier devenu grand-père est le parrain de la petiote et la marraine est la grand-mère maternelle Honorine Costerg. Lui tire sa révérence le 15 janvier 1709. 

Telle est la première approche d'une nouvelle branche, entre registre paroissial et acte notarié, il reste à exploiter les indices relevés en farfouillant dans le Tabellion. Que vais-je dénicher sur Jean, Rémy, Dominique et les autres.

A bientôt donc 

Retrouver cette famille 

N.B. 
Le cornachon est un manteau sans manche
La gorgère me semble être un fichu de cou 
Le blanchet est une camisole
La couverte est une couverture 
Cadis, estamet et serge sont des tissus en laine 

Sources 
AD 73 Montvernier BMS 
AD 73 Tabellion St-Jean de Maurienne 
           1701 2C 2446 f 425 vue 461/595
Geneanet arbre pseudo montvernier 



vendredi 5 janvier 2024

Trouvé dans un panier

Dans le froid glacial et la nuit noire, on devine à peine une silhouette furtive et courbée dont les bras sont chargés d’un fardeau. Voilà mon esprit s’emballe au vu d’un acte particulier du registre d’état-civil de Montmeyran dans la Drôme, et ce après avoir fait pile sur une indexation.

Le maire a commencé sa journée sur les chapeaux de roue un certain 16 février 1815, et nous offre une chronique villageoise sur l’exposition d’un enfant avec un procès-verbal détaillé de ce qu’il advint ce matin-là, acte reporté sur le registre d'état-civil.

Photo Pixabay

« Par devant nous Jean Jacques Pons Faure atteste qu’à environ cinq heures du matin on a frappé plusieurs coups redoublés à ma porte et m’étant levé et mis à ma fenêtre, j’ai aperçu Joseph Milhan et Jean Louis Boullau tous deux aubergistes et Antoine Gueyraud fils habitant de la commune d’Upie qui m’ont dit avoir entendu en passant crier un enfant qui était dans un panier lequel était placé sur un banc de pierre devant notre porte.

Je me suis sur le champ habillé et ouvert ma porte, j’ai fait entrer le panier couvert d’osier dans la maison et fait entrer avec moi les dénommés ci-dessus, ayant vérifié qui était dedans, j’ai reconnu que c’était un enfant mâle qui ne paraissait âgé que d’un jour, le panier avec de couvertes de même bois. (1)

L’enfant était plié dans un mauvais lange, une vieille chemise et une autre pièce d’étoffe brune avec une bordure au bas de fleurs noires en laine, et avec un mouchoir de tête en toile de Hollande avec un bord en mousseline.

N'ayant trouvé dans le panier aucune marque ni distinction pour reconnaître à qui appartenait cet enfant, nous avons de suite fait appeler la nommée Fantine Chomier épouse de Pierre Boullau qui est nourrice pour donner à téter à cet enfant afin de lui conserver la vie. »

Donc après les premières constatations, les dispositions pratiques pour nourrir et calmer le nouveau-né, le maire passe à l’enquête flanqué de personnages compétents.

« Cela fait, accompagné du garde-champêtre, de Pierre Arnoux adjoint à la mairie, de Marie Anne Vial accoucheuse et de Pierre Néry secrétaire à la mairie, nous sommes allés chez une fille de la commune que nous savions être enceinte pour nous assurer si ce n’était pas elle qui avait exposé l’enfant. Nous avons vu qu’elle n’était pas encore accouchée. N’ayant pu découvrir aucune autre personne, nous avons cessé notre visite.

De suite, avons inscrit l’enfant sous le nom et prénom de Panier Joseph et avons ordonné qu’il fut remis à François Janet garde-champêtre et son épouse pour le porter à Valence afin de le faire mettre à l’hôpital, et de quoi avons dressé procès-verbal. »

Le petiot, à défaut d’avoir été sauvé des eaux et être prénommé Moïse, a été sauvé du froid, et reçoit le prénom Joseph comme un des sauveteurs, avec le patronyme Panier que je trouve attendrissant, cet objet précieux qui l’a protégé et dans lequel une mère ou grand-mère désespérée l’a déposé et abandonné avec un secret espoir.



Rassurez-vous après les premières années passées à l’orphelinat ou chez une nourrice, Joseph Panier a été mis en apprentissage auprès d’un boulanger.

Deux-trois indexations plus tard et quelques clics permettent de découvrir que Joseph Pannier se marie à Upie commune voisine de son lieu d’exposition, un jour de 1844 il ouvre une nouvelle page de vie avec Marguerite Rodet. Son premier enfant naît chez sa belle-mère, puis le couple s’installe à Montoison juste à côté, là aussi on a besoin d’un boulanger et d’autres enfants égaient la famille. Joseph s’éteint à Upie chez un fils en 1877.

Juste une trace concrète de cet enfant trouvé dans un panier, ces signatures extraites d'actes qui révèlent la maîtrise d’un beau paraphe et par là un certain niveau d’instruction.



(1) Sens de rabats ou de couvercles

Sources
AD 26 
EC Montmeyran 1813-1822 vue 119/541
EC Upie & EC Montoison 

samedi 16 décembre 2023

Catherine Clément à demi-mot

Cette courte journée hivernale me donne envie de rejoindre par la pensée Catherine Marie CLEMENT une arrière-arrière-grand-mère drômoise. Là, à Montmeyran, cette discrète femme du 19ème siècle, m’attend au crépuscule de sa vie.

Ai-je pénétré ou pas dans cette maison des Dorelons pas très haute avec une génoise de trois rangées de tuiles ? Qui sait ? Je la situe, découverte adolescente, alors qu’elle était désertée et muette.

Assise au coin du feu sur une petite chaise paillée, un châle tricoté sur les épaules, un chat endormi à ses pieds, seul le tic-tac de la pendule rompt le silence de la pièce, Catherine laisse ses pensées vagabonder dans le passé. Elle est largement octogénaire en cette fin 1896, visage ridé, et articulations douloureuses en témoignent.

Photo Pixabay

Catherine Marie tu débarques au foyer de Claude CLEMENT cultivateur et Catherine SAYN le 10 juin 1808, et ta grande sœur Catherine Madeleine se penche sur son berceau du haut de ses dix-sept mois. Tu gardes comme prénom d’usage Catherine, et ta sœur celui de Madeleine !

Ensuite ton petit frère Claude fait un passage trop rapide sur cette terre, tes frères Jean Claude et Jean Pierre agrandissent la fratrie, l’un devient cultivateur, l’autre cordonnier, suivis de Louise disparue à vingt-cinq ans hélas.

Enfants sages ou dissipés qui sait ? Enfants devant rendre des services aux grands sûrement, enfants envoyés à l’école, pour tes frères je suis affirmative, et pour ta sœur Madeleine aussi, mais toi Catherine je doute, car tu ne sais pas signer, cela me chagrine.

Autour de toi gravitent alors tes grands-parents paternels Claude CLEMENT et Magdeleine VINCENT et ta tante Elisabeth SAYN la sœur de ta maman.

Papa Claude, comme grand-papa Claude, est cultivateur mais aussi marchand de bestiaux.

***

Montmeyran, gros bourg de 2000 habitants, est un grouillement tumultueux de gens et de bêtes lors de quatre foires annuelles où, blouses bleues des hommes et coiffes blanches des femmes, se côtoient dans les rues, et sur le champ de foire envahi par les bœufs, mulets et chevaux. Marchands venus du Languedoc et de Provence croisent les militaires qui s’approvisionnent pour équiper les troupes d’Algérie au moment de la conquête, lors du marché spécial mensuel aux chevaux et mulets.

Pas étonnant que ton village Catherine, outre les cultivateurs, comporte une batterie de charrons, forgerons, des bourreliers et cordonniers. De nombreux cabaretiers peuvent épancher la soif des maquignons et assouvir la faim de tout le monde drainé par les différents marchés et foires.

Le perruquier offre ses services à qui souhaite avoir une meilleure allure, la modiste et la marchande d’indienne proposent leurs nouveautés pour qui détient une bourse bien garnie, l’épicier répond présent aussi, et bien sûr l’inévitable étude notariale.

Montmeyran place de la mairie 

Le bourg se transforme avec la construction d’une nouvelle mairie et des salles de classe attenantes, sans oublier l’école des Dinas et celle des Rorivas.

Le temps file, et voilà que tu convoles avec Pierre ARNOUX cultivateur fils de Jacques ARNOUX et Marianne SAVOYE, vos parents respectifs qualifiés de cultivateurs et propriétaires donnent leur consentement le 26 février 1836, un froid jour d’hiver.

Puis le temple tout neuf accueille votre bénédiction de mariage et ensuite les baptêmes de Marie et Jean Pierre en 1839 et 1842.

Tu as délaissé la maison familiale de la Chapiane pour intégrer le noyau familial de ton époux aux Dorelons, avec un temps ton beau-frère Jacques et tes belles-soeurs Marie Anne.

Les curieux agents recenseurs fournissent de précieuses indications des proches qui t’entourent selon les années, ceux qui disparaissent, ceux qui font retentir leurs rires ou leurs caprices ! Tous les quatre, toi Pierre et les enfants êtes recensés en 1846.

AD 26 Recensement Montmeyran 1846 extrait


Et dis-moi Catherine, ta fille Marie tailleuse en robe, elle a déserté bien jeunette le giron familial pour épouser « son » fontainier Henri DEFFAISSE un froid jour d’hiver encore le 7 décembre 1855, je les ai déjà rencontrés ICI, ils logent à deux pas de toute façon.

Ton gendre a été autorisé en 1871 à amener l’eau potable, à ses frais, jusqu’au village pour améliorer la desserte des maisons du centre en plus de la fontaine publique, les ménagères disposent par la suite d’un lavoir public.

Ton village continue de changer, avec une nouveauté extraordinaire : l’éclairage au gaz avec 5 lampes à pétrole qu’on échelonne dans la principale artère, un médecin s’installe, le pasteur dispose d’un presbytère, le curé est aidé par un vicaire.

On parle d’un projet de chemin de fer entre Valence et Die passant par Montmeyran, mais toi Catherine désormais veuve tu ne connais que les villages environnants !

Cliquer pour agrandir- fait avec Canva

Ta vie, votre vie d'agriculteurs sur une petite exploitation n'a pas du être facile, soleil intense l'été, gelée blanche parfois tardive en mai, récolte détruite par la grêle hachant les blés et défeuillant les arbres. 

Enfin voilà que ton fils Jean Pierre dit Jean s’établit à plus de trente ans avec Noémie Olympe LAGIER un jour d’été cette fois le 20 août 1875, passage chez le notaire d’abord, la mairie à Upie et au temple de Montmeyran. Tu sais Catherine j’ai toujours une nappe aux initiales de Noémie.

Désormais, des jeunes pousses autour de toi égayent ton quotidien, et comme inscrit dans le marbre, enfin dans un registre de recensement de 1891 vous êtes tous là  une dernière fois : Jean agriculteur, Noémie et les enfants  Désirée, Nésida, Bénoni, Isabelle et puis toi Catherine la grand-mère. Laquelle de tes petites filles te ressemble ?

AD 26 Recensement Montmeyran 1891 extrait

Peu après Nésida et Isabelle ma grand-mère partent étudier pour devenir institutrices, incitées en ce sens par leurs parents, et toi Catherine tu désertes cette terre le 7 février 1897 âgée de 88 ans, un jour d'hiver. 

Evocation parcellaire d'une trop discrète aïeule ancrée dans un même lieu, au fil de vie ordinaire, juste pour que la mémoire de Catherine CLEMENT soit moins délavée par le temps. 
 


Retrouver 
sa belle-fille : chère Noémie merci